II- CHOIX D'UN
CONCEPT MARKETING GLOBAL


II-1- RAPPEL DES DEFINITIONS OFFICIELLES D'UN JARDIN


Le positionnement touristique des Jardins de la Gâtine passe par l'étude de leur situation dans le vaste champ de la sémantique des jardins.

Aussi est-il utile de rappeler, en préalable à la recherche d'un concept fédérateur pour une politique de produit, quel type de site peut être considéré comme un jardin au regard des définitions officielles.

A / Qu'entend-t-on par "Jardin historique"?

1- Le point de vue de René Pechère, Président fondateur du Comité International des Jardins et Sites Historiques, ICOMOS - IFLA.

Un jardin n'est pas seulement de la "verdure" ou un lieu où des fleurs sont rassemblées, même avec amour. Un jardin se trouve dans un enclos entourant une construction et son tracé est une composition architecturale dont le matériau est la nature. Les exemples correspondant à ces critères sont bien plus restreints que dans le domaine des bâtiments (la section spécialisée de l'international Federation of Landscape Architects n'en a dénombré que 1 550 dans le monde).

On commence à reconnaître que cet art, essentiellement humain et noble, créé avec l'aide de la nature, constitue un élément d'intérêt social et touristique certain et qu'il favorise l'accès des masses à la culture.

- L'art des jardins est l'ordonnance humaine d'un matériau vivant dont l'homme fait partie et dont il a besoin pour vivre. Les jardins réunissent les besoins qu'il a de beauté pour s'élever et de chlorophylle pour respirer.

Les jardins ont toujours été l'expression d'un grand raffinement, sans doute parce qu'ils sont une synthèse de différents arts.

- On peut considérer comme jardins historiques, les jardins qui appartiennent au passé, ce passé pouvant être récent. Il s'agit de jardins qui ont une valeur certaine et généralement reconnus comme faisant partie de notre patrimoine cuturel. Ces jardins peuvent être réguliers ou irréguliers, classiques, baroques, romantiques ou paysagers. Ils doivent cependant représenter une oeuvre originale.

Les jardins historiques sont des monuments vivants.

- Les jardins historiques doivent, pour répondre à leur mission, redevenir des lieux de divertissement et non seulement des ornements. (Ces divertissements doivent être un moyen mais non une fin et donc ne pas dominer le cadre, ni abîmer l'ambiance et doivent rester des activités latérales.

Extraits de la Charte de Florence rédigée en 1981 par l'ICOMOS :

Art.1 Un jardin historique est une composition architecturale et végétale qui, du point de vue de l'histoire ou de l'art, présente un intérêt public. Comme tel il est considéré comme un monument.

Art.4 : Relèvent de la composition architecturale du jardin historique :

- son plan et les différents profils de son terrain ;

- ses masses végétales : leurs essences, leurs volumes, leur jeu de couleurs, leurs espacements, leurs hauteurs respectives ;

- ses éléments construits ou décoratifs ;

- les eaux mouvantes ou dormantes, reflet du ciel.

Art.6 : La dénomination de jardin historique s'applique aussi bien à des jardins modestes qu'aux parcs ordonnancés ou paysagers.

Art.7 : Qu'il soit lié ou non à un édifice, dont il est alors le complément inséparable, le jardin historique ne peut être séparé de son propre environnement urbain ou rural, artificiel ou naturel.

Art.15 : Toute restauration, et à plus forte raison, toute restitution d'un jardin historique ne sera entreprise qu'après une étude approfondie allant de la fouille à la collecte de tous les documents concernant le jardin concerné et les jardins analogues, susceptible d'assurer le caractère scientifique de l'intervention.Avant toute exécution, cette étude devra aboutir à un projet qui sera soumis à un examen et à un accord collégial.

Art.17 : Lorsqu'un jardin a totalement disparu ou qu'on ne possède que des éléments conjecturaux de ses états successifs, on ne saurait alors entreprendre une restitution relevant de la notion de jardin historique.

L'ouvrage qui s'inspirerait dans ce cas de formes traditionnelles sur l'emplacement d'un ancien jardin, ou là où aucun jardin n'aurait préalablement existé, relèverait alors des notions d'évocation ou de création, excluant toute qualification de jardin historique.

Art.19 : Par nature et par vocation, le jardin historique est un lieu paisible favorisant le contact, le silence et l'écoute de la nature. Cette approche quotidienne doit contraster avec l'usage exceptionnel du jardin historique comme lieu de fête. Il convient de définir alors les conditions de visite des jardins historiques de telle sorte que la fête, accueillie exceptionnellement puisse elle-même magnifier le spectacle du jardin et non de le dénaturer ou le dégrader.


B / Qu'entend-t-on par "Jardin botanique"?

Un jardin botanique est une institution d'éducation, de recherche et de conservation, comprenant notamment une collection de plantes vivantes

- possédant une haute valeur scientifique et comportant une quantité suffisante de taxons (supérieure à cent)

- étiquetées et disposées de façon pédagogique (si possible selon un aspect esthétiquement attrayant). Chaque plante présente doit avoir été étudiée (identification juste et précise, connaissance de son origine)

- parfaitement entretenues ;

- et participant à un réseau d'échanges de matériel végétal vivant à travers la publication d'un index seminum.

Une "Charte des Jardins Botaniques de France et des Pays Francophones", élaborée par l'association du même nom définit bien d'autres critères de qualité auxquels les jardins botaniques devront répondre pour accéder à ce label. L'agrément, renouvelable tous les cinq ans, sera un gage de la qualité scientifique et pédagogique de l'établissement agréé. Il s'agit, pour l'association JBF de distinguer ainsi les "vrais" jardins botaniques de ceux qui se prévalent de cette appellation alors qu'ils ne présentent souvent que des collections, sans remplir les missions périphériques, scientifiques et pédagogiques, qui en découlent.

Répondent en premier à ces critères les jardins botaniques de villes et d'universités.

Pendant longtemps les jardins botaniques ont montré des collections systématiques selon un système de classification aujourd'hui dépassé.

Désormais, certains jardins botaniques sont spécialisés ou comportent des sections spécialisées

On trouve donc, suivant l'importance du jardin, des collections créées à partir de thèmes, comme :

- jardin alpin (ex. : le Haut-Chitelet, le Lautaret),

- jardin de plantes médicinales (ex. Herbularium du Morvan à Saint-Brisson, ou Milly-la-Forêt)),

- roseraie (ex. l'Haÿ les Roses)

- la mode des potagers médiévaux est en plein essor de même que, plus généralement, les jardins ethnobotaniques comme celui de Salagon qui a pour ambition "d'être le miroir des relations de la société traditionnelle haute-provençale avec son environnement végétal")

- etc.

A côté des jardins botaniques répondant aux normes strictes ci-dessus énoncées, existent d'autres structures apparentées :

Ainsi, les arboretums qui, derrière la simple définition de collection d'arbres, rassemblent des sites différentes comme des

arboretums de collection (comme ceux d'Harcourt, de Balaine, des Barres, de Vilmorin,...) : ce sont ceux qui ont la plus forte capacité d'attraction du public par leur histoire et leur esthétique

ou

des arboretums à vocation pédagogique : ils sont généralement intégrés dans des parcs récréatifs péri-urbains, comme celui du Parc de Rouelles, au Havre et présentent un intérêt mineur pour des programmes touristiques et culturels.

• on trouve aussi des arboretums d'élimination, habituellement gérés par l'INRA ou le CEMAGREPH, et des arboretums forestiers, le plus souvent gérés par l'ONF : ces deux types d'arboretums, de par leur nature même, sont peu spectaculaires et attractifs pour le grand public.

Les conservatoires : rappelons que ce vocable est libre et que n'importe quel jardin peut s'octroyer cette dénomination.

Distinguons cependant :

• les Conservatoires Botaniques Nationaux (ex. Porquerolles, Brest, Nancy,...) : ils constituent une marque déposée par le ministère de l'Environnement et attribuée après étude d'un dossier de candidature sur la base d'un cahier des charges précis. Leur vocation est axée exclusivement sur la flore sauvage menacée du territoire français.

• les collections végétales spécialisées bénéficiant du label octroyé par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS), créé en 1990 par l'association des Parcs Botaniques de France (APBF).

(ex. : le Begonia à Rochefort ; le Pelargonium à Bourges ; le Méconopsis aux Jardins de Bellevue en Haute-Normandie, le Fuchsia à Trevarez,... : il s'agit d'un réseau de collections nationales et régionales de plantes d'intérêt botanique et horticole, et dépendant d'entités diverses : collectivités territoriales, pépinéristes,...

• les vergers-conservatoires d'arbres fruitiers ou les conservatoires de légumes : de statuts très divers, ils sont coordonnés par l'Association française pour la conservation des espéces végétales (AFCEV). Nés du souci de sauvegarde de la biodiversité, ils sont apparus depuis peu dans la sphère touristique mais sont appelés certainement à une reconnaisance croissante des publics.

En dehors de ces types de collections bien cernés se développent d'autres lieux qui, créés ou réhabilités et animés dans un but touristique et économique, s'ils ne peuvent prétendre au label JBF, n'en présentent pas moins un intérêt botanique.

De tels sites sont généralement plus avancés, en France, que les jardins botaniques sur le plan de l'accueil et de l'offre culturelle.

La liste serait longue s'il fallait les nommer tous. Ce sont par exemple le jardin des Cinq Sens à Yvoire, les Jardins de Valloires en Picardie, le parc de Trévarez dans le Finistère, le Parc Phoenix à Nice, des jardins-vitrines de pépiniéristes comme le Clos du Coudray en Haute-Normandie, etc.


C / Les nouvelles générations de jardins

"Le jardin est une représentation de la nature par l'homme, un arrangement intellectuel qui témoigne d'une certaine vision du monde. Il est donc forcément lié à l'Histoire et à l'évolution des connaissances".

Michel Baridon

Selon Michel Baridon, historien auteur d'un ouvrage récent qui retrace, avec autant d'érudition que de pédagogie, l'aventure des jardins à travers le monde et les civilisations , le jardin est promis à un très grand avenir. En accord avec l'urbaniste britannique Jellicoe, il assure que "le plus grand artiste des sociétés de demain sera le paysagiste" car c'est lui qui donne aujourd'hui une représentation poétique de la nature par la nature elle-même. Avec le paysagiste, la nature fait son autoportrait mais c'est l'homme qui conçoit le tableau. Le paysagiste va fédérer les botanistes, les architectes, les sociologues. Il sera au centre de toute cette vie urbaine qui cherche la nature. Il aura la charge du patrimoine naturel et de sa survie mais également celle du patrimoine culturel : le jardin restera toujours un lieu qui accueille les emblèmes d'une culture.

Le parc André Citroën offre une première tentative très réussie de cette nouvelle "vision du monde" car il mêle une technologie moderne aux jardins du paysagiste Gilles Clément où la nature semble abandonnée à elle-même, juste guidée.

Si bien des paysagistes contemporains sont des professionnels de talent, la philosophie de Gilles Clément peut être considérée comme le fer de lance de ces jardins du nouveau type. Il s'agit d'observer pour agir, et d'effectuer toujours un travail de collaboration avec la nature. Gilles Clément en appelle à la responsabilité du "passager de la terre".

" Les limites de la vie sur terre, la biosphère,
tel est l'enclos du jardin.
L'homme omniprésent, responsable du vivant,
tel est le jardinier.
L'épaisseur du vivant, la terre, l'air, l'eau,
tel est le territoire.
Au cœur du jardin, les puissances insoumises
de la vie et de ses inventions,
le rêve de l'homme et ses utopies,
l'un et l'autre dessinant au jour le jour l'imprédictible trajectoire de l'évolution."

Gilles Clément

Nota :

Gilles Clément, paysagiste, jardinier et ingénieur agronome, prône une philosophie de l'écologie tendant à faire coïncider respect de la nature et esthétique des jardins. Il a créé les concepts de "Jardin en mouvement " et du "Jardin planétaire" (cf. exposition à La Villette du 15 septembre 1999 au 23 janvier 2000). Il est l'auteur, entre autres, du Parc André Citroën à Paris, considéré unanimement comme un jardin contemporain majeur, des Jardins de l'abbaye de Valloires dans la Somme…

Quelques-uns de ses préceptes écologiques de base :

à intégrer à l'italienne!!!!!!!!

Tableau récapitulatif

Jardin historique

Jardin botanique

Nouveaux concepts de "Jardin en mouvement"
ou de "Jardin planétaire"
= Philosophie de
Gilles Clément

• espace clos 2

• composition architecturale dont le matériau est la nature

• ordonnance humaine d'un matériau vivant

• expression de rapports étroits entre la civilisation et la nature

• témoignage d'une culture, d'un style, d'une époque, éventuellement de l'originalité d'un créateur.

• expression d'un grand raffinement

• monument vivant

• synthèse de différents arts

• oeuvre originale faisant partie du patrimoine culturel et présentant un intérêt public

• lieu de délectation et de divertissement

 

• institution d'éducation, de recherche et de conservation

• collection de plantes vivantes

- possédant une haute valeur scientifique et comportant une quantité suffisante de taxons (supérieure à cent)

- étiquetées et disposées de façon pédagogique (si possible selon un aspect esthétiquement attrayant). Chaque plante présente doit avoir été étudiée (identification juste et précise, connaissance de son origine)

- parfaitement entretenues ;

• participant à un réseau d'échanges de matériel végétal vivant à travers la publication d'un index seminum.

• Mission scientifique et pédagogique

 

• chaque morceau de terre peut être considéré comme un morceau de la Terre, chaque jardin, comme le fragment d'un jardin beaucoup plus grand, étendu aux limites de la planète

• désir de concilier l'évolution de la nature et celle de l'homme en un lieu unique de cohabitation

•terrain privilégié des changements permanents

• perpétuelle remise en question

• où l'ordre biologique est perçu comme une possibilité de conception nouvelle.

• où le jardinier se conçoit comme un entremetteur des rencontres des espèces végétales

• où les espèces s'adonnent à l'invention

Expression du désir de maîtrise,
du pouvoir de l'homme sur la nature

où l'homme tente d'opposer à l'entropie générale qui régit l'univers, une force constructive dont le seul but serait de contourner la mort, d'y échapper."...

Expression du pouvoir de la vie,

observé et favorisé par l'action de l'homme

"Puisque la nature fait preuve d'invention, pourquoi ne pas tourner son énergie à l'avantage du jardin?"

"Se faire une place dans la nature sans avoir à la combattre"

A quelques détails près, il apparaît que les publics (et leurs motivations) sont les mêmes pour un jardin historique ou pour un jardin botanique, du moment que ce dernier offre une présentation esthétique, mais leur rôle et leur fonctionnement spécifiques influent grandement sur l'accueil et la communication mis en oeuvre.

Pour le grand public toutes les catégories de jardins se confondent dans l'amalgame des "parcs et jardins", lieux de plaisance et lieux de culture (dans tous les sens du terme). Le visiteur non averti ne sait pas toujours que collection botanique n'est pas obligatoirement synonyme de jardin et de fleurs, et certains peuvent être surpris une fois sur place par l'austérité des plantations (cf. les alignements des collections fruitières de Porquerolles).

Si les responsables de jardins historiques ouverts au public se manifestent à la fois comme inventeurs de solutions et comme demandeurs de conseils pour accroître la fréquentation de leurs sites et mieux satisfaire les différents publics, les jardins botaniques, eux, constituent un domaine où la volonté touristique (et donc le vécu et l'organisation) n'en est qu'à ses prémices, même si leur rôle pédagogique est affirmé par leurs responsables. Ceci s'explique en partie par le fait que la majorité des jardins botaniques ou arboretums sont des structures publiques (universités, INRA, ONF, Villes, Départements, ...) qui n'ont pas les mêmes visées commerciales que des structures privées.

Les jardins botaniques, gérés par des scientifiques, craignent qu'en faisant de la promotion, ils ne soient débordés et ne puissent plus maîtriser les flux de visiteurs trop importants qui pourraient venir, ne disposant pas du personnel d'accueil adapté.

Ces définitions aident à mieux comprendre en quoi les jardins ne se réduisent pas à des espaces pour la promenade, même si la promenade est le moyen de les découvrir.

Si l'on s'en tient aux définitions officielles, le réseau de la Gâtine, comporte seulement deux jardins historiques et aucun jardin botanique proprement dit.

En effet, le réseau à constituer se compose de :

• 2 jardins historiques :

- Saint-Loup (reconstitué d’après archives car disparu)

- La Sayette

• 1 création contemporaine d’inspiration historique : La Guyonnière

• 2 parcs animaliers :

- le Jardin des Agneaux (vitrine ludique et pédagogique)

- le futur Jardin des Oiseaux Libres (à la fois jardin d’initiation à l’ornithologie et parc de vision pour ornithologues avertis)

• 5 jardins "botaniques" (au sens générique du terme) à vocation pédagogique, complémentaires :

- le Jardin des Sens du CPIE

- le Val de Flore

- le Jardin des Abies

- le verger conservatoire de Secondigny

- les jardins de la Commanderie Saint-Marc de la Lande

• 1 site naturel : le jardin des Chirons

• 1 site hors norme, extra-ordinaire : le jardin des Histoires du Monde.

En fait, Michel Racine souligne "l'heureuse ambiguïté du concept de jardin"3.: "Particulièrement large, ambigu et onirique, le terme de jardin englobe un grand nombre de type d'espaces. Il associe patrimoine et écologie, culturel et biologique, idées et pratiques de groupes sociaux différents. Cette ambiguïté en fait un terme consensuel qui permet le regroupement de thèmes variés"./.../

Il est donc possible en Gâtine de communiquer malgré tout sur la thématique "Jardin", à condition toutefois d'émettre un message réaliste quant à la qualité paysagère et botanique actuelle des trois-quarts des sites du réseau.